lundi 10 août 2015

Mer

Le dicton russe dit: «Le sauvetage de ceux qui se noient est leur propre affaire». À la naissance on est rejeté dans la vie, comme à la mer âpres le naufrage, et on essaye de ne pas se noyer. Ici c’est chacun pour soi. Au départ on n’est pas tous dans les mêmes conditions. Certains savent nager grâce aux cours payés par les parents, d’autres non. Mais ces derniers apprennent vite, à force agiter les bras et les gambes ils arrivent se tenir sur la surface. On a tous un instinct de survie. Devant le danger de mort on sait ce qu’il faut
faire: continuer à nager pour avoir la chance de survivre. Les autres, qui s’agitent à coté, ne nous aident pas, chacun est préoccupé par sa propre survie. Certains chanceux tombent sur un bout de bois ou un débris de bateau échoué et avancent plus facilement, d’autres, qui n’ont pas eu cette chance, ne peuvent compter que sur leurs propres forces.
Dans cette mer il y a deux types de danger. Le premier, visible, ce sont le vent, les vagues, les autres malheureux qui tentent nous arracher notre bout de bois. On arrive le repérer assez facilement et faire face. Quand quelque chose menace notre vie on réagi par l’instinct. On peut se sauver ou l’affronter, et dans ce cas tous les moyens sont bons: frapper, tuer, mentir, manipuler celui qu’on voit comme une menace.
Un autre danger, invisible, est beaucoup plus difficile à déceler car il se cache à l’intérieur de nous et on ne sait pas comment l’appréhender. Notre propre insuffisance, la méfiance, la peur, l’arrogance nous empêchent de voir claire et nous cause beaucoup plus de tort que le danger réel. Nos yeux, «éclairés» par notre esprit rusé, nous trouvent plein d’ennemis : un patron qui nous exploite, un voisin qui ne nous dit pas bonjour le matin, un cousin qui tente nous duper, un vendeur du magasin qui essaie nous vendre des trucs dont on n’a pas besoin, un père trop exigeant, un copain malhonnête, un mari qui garde sa femme enfermée à la maison ou une épouse qui ne cherche que l’argent de son mari. Nos yeux nous offrent une image effrayante: attention, le danger est partout, soyez prudent, ne faite confiance à personne!
Si seulement on pouvait regarder avec le cœur, on remarquerait que le patron qui nous exploite en réalité fait juste tourner son affaire pour ne pas se retrouver dans la rue; le voisin qui ne nous salue pas le matin est peut être myope ou trop timide; le cousin, qui cherche nous embobiner, essaie seulement faire un peu d’argent, car il se croit incapable d'y arriver tout seul; le vendeur qui tente nous vendre des choses est en faite payé avec les commissions et doit faire vivre sa famille avec; le père trop exigent, qui a eu un enfance difficile et n’a jamais pu réaliser ses rêves, veut que ses enfants réussissent; le copain malhonnête a seulement un peu trop d’imagination; le mari qui enferme sa femme croit faire cela pour son bien et une épouse qui n’a pas de revenue veut uniquement faire quelques cadeaux pour ses enfants. Lorsqu'on regarde avec le cœur, on voit ces choses-la. Et l’ennemie qu’on voit partout en réalité se trouve à l’intérieur de nous mêmes. On se croit intelligent, on a une multitude de diplômes et on s’imagine d’être en droit de juger les autres qui n’ont pas eu la possibilité d’étudier ou des qualités nécessaires. Oui, on a travaillé dur pour acquérir les connaissances et on croit tout savoir sur la vie et sur les gens. Mais c’est un piège, on est berné par notre propre esprit. Un paysan qui n’a jamais quitté son village connaît la vie et les gens mieux que tous ces brillants scientifiques ou chefs d’entreprises qui passent leur temps à acquérir les connaissances ou a voyager partout dans le monde. Le vrai ennemi se trouve à l’intérieur de nous : c’est notre arrogance, étroitesse d’esprit, égoïsme qui nous aveuglent et ne nous laissent pas voir les choses comme ils sont. La seule chose qu’on voit c’est le reflet de nos propres peurs, de notre suffisance ou d’orgueil qui rend le monde hostile, menaçant et laid.
Le monde nous renvoie notre propre image. Seulement le cœur pur et l’esprit ouvert nous permettent de voir la beauté de cette mer de la vie, de la comprendre et de l’aimer, tantôt agitée et menaçante, tantôt calme et apaisante; remarquer la direction du vent et de se laisser porter par les vagues, au lieu d’aller contre le courant. Si on a un bout de bois on pourrait le partager avec quelqu'un qui n’en a pas et faire le voyage ensemble, encourageant l’un l’autre dans les moments de détresse, en augmentant ainsi les chances de survie.
Comprendre qu’on fait partie de ce monde, faire confiance à la mer, se faire porter par les vagues, saisir la chance, ouvrir le cœur aux autres, ressentir le vent et lorsque au bout du voyage on apercevra la terre inconnu, on réalisera que même si notre périple était difficile et parfois pénible, il nous a permis d’apprendre la vérité, et on avancera vers l’inconnu sans peur ni regrets, mais avec la confiance d’un homme heureux.

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